« Si un jour tu vois qu’une pierre te sourit, iras-tu le dire ? »

 Eugène Guillevic.

La pierre et moi, cela va de soi.

Parcours singulier et pourtant mon choix n’a rien de soudain, car j’ai « la passion des cailloux » depuis l’âge de mes premiers pas.

Eh oui! tout commença je crois lors de mes promenades avec mes parents. Ces petits cailloux qui me souriaient et qui me faisaient du charme en me lançant des clins d’œil pour me dire « prends nous avec toi ». Après toilettage ils pouvaient prétendre à figurer sur le buffet de cuisine ou trôner dans la vitrine de maman.

Cependant, ce métier ne s’est pas imposé à moi de suite. Après un bac scientifique, j’ai suivi des études supérieures en géologie avec l’obtention à la fin des années 90 d’une Maîtrise es Sciences de la Terre. Puis l’urgence de la vie a transformé mon existence.

L’an 2000 m’a ouvert à de nouveaux horizons professionnels, plus manuels et plus artistiques avec l’apprentissage du métier de tailleur de pierre à la Fédération Compagnonnique des métiers du bâtiment de La Chapelle Saint Mesmin où j’ai obtenu mon CAP en 2002 et mon BP en 2004.

Fière de mon métier, trouver un employeur n’a pas été vraiment facile. J’ai fait mes stages de formation chez un artisan de la région pour ensuite rentrer chez une entreprise de restauration du patrimoine où j’ai su me faire une place.

Pendant sept années j’ai œuvré sur des édifices prestigieux tels que la Cathédrale Sainte-Croix d’Orléans (45), l’Eglise Notre Dame d’Auxonne (89), l’Oratoire Carolingien de Germigny des Prés (45), l’Eglise de Saint-Paul en Jarez (42), l’Eglise du Coudray Monceau (91).

Puis en 2009, j’ai été rappelée par mon premier maître. Je me suis vu attribuer le poste de chef d’atelier pendant huit ans et demi.

De fil en aiguille ou plutôt de massette en ciseau, j’ai acquis une dextérité qui m’a permis de devenir plus performante et autonome. Au contact de meilleurs ouvriers de France, j’ai pu bénéficier d’un savoir-faire unique. Ces derniers m’ont permis d’appréhender la pierre, de la démystifier et de comprendre qu’à force de patience elle m’était accessible. Je me suis tournée peu à peu vers la gravure lapidaire et l’ornementation de manière autodidacte faisant pour moi un complément à la taille de pierre ainsi qu’une passerelle vers l’auto-entreprenariat.

On ne travaille pas un matériau dit immortel, sans subir quelques transformations intérieures. Quand je travaille la pierre, je ne cherche pas l’affrontement avec la matière, mais la communion. Elle est comme le reflet de soi. Quand je travaille la pierre, c’est un peu moi que je transforme. Sa ligne me montre le chemin, je ne suis pas décisionnaire. La pierre ne m’appartient pas, elle est universelle.

Le tailleur de pierre est avant tout un artisan qui utilise ses mains et sa sensibilité. Une bonne perception des volumes, un sens artistique sont deux qualités qu’il faut également apprivoiser.

A chaque bloc je plonge dans la découverte de lui- même et de moi-même afin de trouver une harmonie dans la réalisation de l’ouvrage final.

Toutes ses sensations, émotions font que j’ai fait de ce métier une passion. J’apprends la patience, la rigueur, l’humilité et le bonheur devant le travail réussi.

Je compose donc mes « œuvres » oserai-je-dire, à la pierre, chaque jour dans mon atelier où sont rassemblées, pêle-mêle, tant d’activités disparates et pourtant toutes vouées à des réalisations uniques personnalisées, ce qui rend encore ce métier plus passionnant.

Bref, me rencontrer c’est entamer à votre tour, un dialogue avec un artiste d’un type bien particulier. Sans doute l’un des plus anciens artistes des métiers qui ont fait l’humanité, mais que nos temps modernes évacuateurs essaient de pousser aux oubliettes (métier qui tend à se raréfier avec l’arrivée de nouveaux matériaux tel que le béton, et tous ces nouveaux composites).

« Je pratiquerai ce métier tant que la passion m’animera et que la mélodie des pierres me transportera ».

 Sandrine Langevin.